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Frontières

Renversant

Paul Soriano

1er avril 2018, modifié le 28 juillet 2020

La frontière brandie comme argument de vente par un inconditionnel de Steve Jobs, c’est renversant, non ?

L’autre jour, en Italie, un vendeur cherche à me fourguer un produit de la marque Apple à la place de celui (d’une autre marque) que je souhaitais. Calmement, je lui explique que je suis rebuté par la fermeture (la chiusura) des produits Apple qui refusent de communiquer avec les autres et même trop souvent entre eux… À quoi il réplique : « Vous autres Français vous êtes pourtant bien placés pour savoir qu’il faut parfois préférer la fermeture ». J’ai mis quelques secondes à comprendre qu’il faisait allusion au… massacre du 13 novembre ! La frontière (ou plutôt le mur, en l’occurrence) comme argument de vente brandi par un inconditionnel de Steve Jobs, c’est renversant, non ?
Quand Régis Debray a publié en 2010 son Éloge des frontières, on a salué son goût pour le paradoxe ou flétri une « nouvelle provocation ». Cinq ans plus tard le voilà visionnaire. Quelques jours après qu’Angela Merkel les eût ouvertes en grand (les frontières), aux applaudissements sans réserve des généreux de carrière, il a fallu précipitamment les refermer, y compris entre l’Allemagne et… l’Autriche. Un Anschluss à l’envers ! Schengen kaputt, on ne passe plus, no pasaran ?
Pas de panique. La fermeture n’est pas le seul attribut de la frontière, qui est aussi passage. ce quelle sépare, elle le relie et sans frontières, du reste, il n’y aurait plus rien à relier.
Autre registre. A propos d’un spectacle qui l’a ravi, Daniel Bougnoux écrit dans son blog, le Randonneur : « Vanasay ainsi posé entre l’homme et la femme, entre l’occidental et l’oriental, l’allemand et l’anglais, le savant universitaire et le cabot transsexuel…, se jouait de toutes les frontières (pas seulement du goût) et portait le mélange à un comble. » Jusque-là on n’est pas dépaysé. Mais notre ami ajoute aussitôt : « Tout en nous pliant de rire, je me disais que…. » Etc. La question est : pourquoi diable cette « moqueuse transgression » ferait-elle encore se plier de rire si elle était devenue la normale ? Et que reste-t-il au demeurant de transgression (ou de jeu) dans un monde sans frontières ?
A contrario, ceux qu’indigne ou épouvante la transgression témoignent qu’ils la prennent, eux, très au sérieux. C’est renversant, non ?


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