« Et si je me trompe, je sais que vous me corrigerez » (Jean-Paul II)

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Savoir philosophique

Paul Soriano

10 juin 2006, modifié le 14 juillet 2020

La philosophie produit un savoir spécifique, le plus rigoureux de tous, radicalement distinct d’autres formes de savoir, tels la science et les discours hybrides (métaphysique) ou dégénérés (idéologies, scientisme…).

Ce n’est donc certes pas une parlotte futile, et pourtant c’est bien un savoir pour tous, parfaitement « démocratique » et nullement une discipline ésotérique que sa technicité réserverait aux professionnels de la philosophie. Mais c’est aussi l’arme absolue contre les discours par lesquels la tyrannie s’empare des esprits pour asservir les corps. Enfin, la philosophie a l’élégance de se soumettre elle-même à l’épreuve de vérité qu’elle inflige à tous les autres discours dès qu’ils s’avisent de sortir de leur domaine de compétence.

Spécifique, universel, rigoureux

Le plus rigoureux de tous les discours, puisqu’il se soumet lui-même à sa propre épreuve de vérité.

La *philosophie n’a pas d’objet. Elle porte sur ce que l’on peut appeler, avec Raymond Ruyer, des « *domaines absolus », absolus parce que l’on ne peut prendre aucune distance pour les considérer, en tant qu’observateur. C’est le cas, entre autres, du *monde (on ne peut pas se tenir hors du monde), de l’homme (c’est toujours en tant qu’homme que l’on parle de l’homme) ou du langage (c’est toujours « en langage » que l’on parle du langage). Un domaine absolu n’est jamais observé, il est vécu, participé.

En termes plus relevés on parlera d’ « immanence » d’« *auto-référence », mais ce n’est pas indispensable.

Autant dire tout de suite qu’un domaine absolu ne saurait être objet de science. Comme on pourra s’en convaincre ci-dessous (nous verrons comment la science s’y prend pour extraire son objet d’un domaine absolu), « *sciences humaines », « cosmologie », « sciences du langage » sont des oxymores, des cercles carrés.

En conséquence, le propre du discours philosophique est que ce qu’il dit et celui qui dit sont impliqués par ce même discours. Le philosophe est quelqu’un qui s’efforce, en tant qu’homme de construire un discours vrai sur la vérité et sur l’homme.

Il s’agit d’un discours parfaitement *rigoureux, le plus rigoureux de tous les discours, puisqu’il se soumet lui-même à sa propre épreuve de vérité, ce que ne font jamais les autres discours, à commencer par le discours scientifique.

La philosophie est le seul discours qui ait pour seul souci la vérité.
En tant qu’elle soumet tous les discours y compris son propre discours à l’épreuve de vérité, et cela de manière infaillible, la philosophie n’est donc pas seulement une discipline rigoureuse, mais aussi une arme absolue contre les discours insensés. « Infaillible » et « absolu » mais néanmoins « sans danger » dès lors que la philosophie, on ne le répètera jamais assez, se soumet elle-même à l’épreuve de vérité.

A défaut d’être sensés, les discours idéologiques en particulier ne sont pas sans effet. Dans la mesure où l’homme, sans jamais échapper au monde, à la condition humaine, au langage, est néanmoins capable de construire les mondes (réduits) qu’il habite, il peut être lui-même l’objet d’une réduction idéologique (d’autant plus redoutable qu’elle se pare d’une légitimité « scientifique ») qui le mutile.
Une société dite « totalitaire » est typiquement une société contaminée par une idéologie dominante, une représentation réduite de l’humain considéré comme un animal, une machine, un agent économique, etc.

La vérité rend libre

En tant qu’elle soumet tous les discours y compris son propre discours à l’épreuve de vérité, et cela de manière infaillible, la philosophie n’est donc pas seulement une discipline rigoureuse, mais aussi une arme absolue contre les discours insensés. « Infaillible » et « absolu » mais néanmoins « sans danger » dès lors que la philosophie, on ne le répètera jamais assez, se soumet elle-même à l’épreuve de vérité.

Et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira. (Jean, 8, 32).

Un savoir accessible à tous

A la différence de la *science, la philosophie est un savoir accessible à tout un chacun, ne nécessitant aucune autre expertise que celle dévolue à tout être humain par le simple fait d’être un être humain. La philosophie a un rapport plus qu’étroit avec le *sens commun.

De nos jours, quand elle n’est pas purement et simplement réfutée au nom d’un monopole du savoir accordé à la science (au *scientisme), la philosophie est présentée tantôt comme une discipline que sa technicité réserve aux *philosophes professionnels tantôt comme une variante de talk-show qui ne saurait tarder à migrer des « cafés philosophiques » vers la plateaux de la télé-réalité.

Dans ces conditions, la philosophie serait un discipline fermée pour incompétence au commun des mortels au même titre que la biologie moléculaire ou l’informatique de pointe, à moins qu’elle ne se réduise à un bavardage, une *parlotte noyées dans toutes les parlottes qui polluent le monde et le cyberespace.

Or « ne pas s’intéresser à la biologie moléculaire » et « ne pas s’intéresser à la philosophie » sont deux propositions qui n’ont pas du tout le même statut. La première n’a rien de scientifique, la seconde est une prise de position philosophique, comme l’avait déjà observé Aristote qui ne connaissait pourtant pas grand-chose à la biologie moléculaire. On peut se désintéresser de la science on ne saurait échapper à la philosophie.

Non, la philosophie n’est en aucun cas une affaire d’experts. Non seulement elle est, par définition, accessible à tout le monde (on ne lui échappe pas), mais tout discours prétendument philosophique dont la compréhension requiert une expertise technique n’est pas (pas seulement) un discours philosophique. Le plus souvent, il s’agit d’un discours *métaphysique, contaminé par le discours scientifique. Cela à quelques exceptions près, comme dans le cas où la philosophie entreprend de s’interroger sur la validité de tel autre savoir, auquel cas il lui faut bien entrer peu ou prou dans la technicité du savoir en question.


Références

Les termes précédés d’un * (lorsqu’ils sont employés pour la première fois) sont définis dans le
lexique (ce lien ouvre une nouvelle fenêtre/onglet).


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