Le coup de vieux
On sait que les siècles historiques se jouent du calendrier. Le XIXe commence en 1815 ; du XXe, on peut dire qu’il s’ouvre avec fracas en 1914, atteint son apogée en 1968 pour entamer aussitôt la courbe de son déclin avant de s’achever, donc, en 2011 ou plutôt fin 2010, avec ce « printemps arabe » qui surgit sans vergogne en plein cœur de l’hiver ! 2011, on va le voir, présente de sérieux arguments sérieux au titre d’an I du XXIe siècle. Saluons en passant un prophète puisque Steve Jobs a eu l’élégance de disparaître précisément cette année-là, où l’on célèbre par ailleurs le 40e anniversaire de la commercialisation du premier micro-processeur.
En 2011 donc, certaines choses ont pris un coup de vieux tandis que d’autres, immémoriales, s’offrent au contraire une cure de jouvence, un bon lifting, à tout le moins un sérieux massage facial. À propos de cosmétique, n’oublions pas que le plus génial de tous les slogans publicitaires (« Parce que je le vaux bien [1] ») date aussi de 1971. On le doit à l’Américaine Ilon Specht qui ne dissimule pas l’inspiration féministe de cette proclamation narcissique.
Il est vrai que prendre un coup de vieux, ce ne n’est peut-être pas tant vieillir, processus lent et pour le moment irréversible [2], que paraître subitement vieux. Prenez le nucléaire, une industrie datant du baby boom, si l’on ose dire, bien plus jeune que le solaire et l’éolienne, plus archaïque l’un que l’autre. Or à la suite du séisme du 11 mars 2011 et des dégâts causés à la centrale atomique de Fukushima, plusieurs grands pays dont l’Allemagne ont renoncé à cette très moderne source d’énergie. L’avenir dira si la peur de la peur fut bonne ou mauvaise conseillère. De notre côté du Rhin, on est plus subtil, c’est bien connu : en déclarant, le 15 septembre 2011, que le nucléaire est une énergie du passé, une candidate à la candidature pour l’élection présidentielle, lui a sans doute habilement porté le coup le plus sévère. Dangereux à la rigueur ça se gère mais démodé, ça risque d’être plus difficile.